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Partage de mes opinions citoyennes
23 octobre 2020

Lettre à celui qui devait être la figure paternelle de mon enfance d'enfant placée .... 45 ans après

Interrogation

Bonjour
Tu espères quoi au juste de moi ? (je réponds à un mail qui m'annonce le décès de sa soeur)
Que j'ai de la compassion, de la peine, quoi exactement ?
Tu as pris de mes nouvelles depuis le début de la crise du Covid pour éventuellement être sûre que moi non plus je n'étais pas malade ou morte moi aussi ?
Tu attends peut-être que je sois un peu plus humaine qu'on ne l'a été avec moi ?
Il est révolu ce temps là, c'est devenu une question de survie et il était temps, je te le dis, à 52 ans, d'être enfin en voie de guérison mais à jamais blessée et traumatisée.
Et pour y arriver, je dois te dire une chose Joseph que tu as peut-être oublié mais moi pas, occulté oui, longtemps …. mais pas oublié.
J'avais quel âge exactement quand ça s'est passé Joseph, 9, 10, 11 ans, peut-être moins ?
Tu te rappelles quand tu me demandais, sans parole, par des gestes de te caresser le sexe sous la table de la cuisine les fois où j'étais autorisée à regarder la télé ?
Aucune violence, j'avais tellement besoin d'affection, de l'affection d'un homme certainement, celle qui est si naturelle entre un père et sa fille.
Tu aurais fait ça à ta fille si tu avais eu des enfants ? ou te l'es tu autorisé parce que j'étais une enfant placée ?
Tu te rappelles pourquoi ça a cessé ? moi oui !
Quand ton père nous a surpris, tu étais allongé sur moi dans le petit local près du poulailler au fond du jardin, je pense que sa réaction a mis un terme à ces saloperies destructrices.
Pas de viol donc ("grâce" à ton père), pas de violence voire "une forme de consentement" de ma part ...C'est sans doute ce qui pourrait te faire dire que "tu n'as rien fait de mal".
 
Je n'ai pas crié, je ne me suis pas débattue, je ne t'ai pas dénoncé …. je t'ai même caressé le sexe sans broncher, pourquoi, je ne me l'explique pas mais ce que je sais c'est que tu étais l'adulte et moi l'enfant et que ça n'aurait jamais dû arriver.
J'ai mis tellement de temps à comprendre mon histoire et ses conséquences, j'ai lu, je suis allée chercher mon dossier à la DASS pour comprendre pourquoi j'étais comme ça : révoltée en permanence mais bien trop tard pour éviter certaines casses irréversibles.
Parce que j'ai rencontré mon mari assez jeune, j'ai fait ma vie, avancé sans me retourner, pas le temps, pas l'envie, les questions ont commencé à venir quand je suis devenue maman à mon tour.
Ca réveille beaucoup de chose crois moi !
Il m'aura fallu un mariage raté sur fond de "problèmes sexuels", je n'avais pas assez d'appétence pour le sexe parce que je n'ai pas eu la chance de me construire comme devrait pouvoir se construire toutes les petites filles du monde dans les bras de leur père ou de la figure paternel : par des échanges de tendresse, de câlins, d'amour sain pas par des caresses sexuelles.
J'ai cherché dans les bras de mon mari l'amour d'un père, donc la tendresse sans le sexe, mais ce n'était pas possible, il était mon mari pas mon père. Je le comprends maintenant mais il est bien trop tard.
C'est comme si, par ce que tu as fait, tu avais imposé de bruler une étape dans ma construction d'enfant, qui plus est à l'enfance bien cabossée, et ça tu ne l'ignorais pas (quand bien même).
 
La construction sexuelle d'une fille passe en premier lieu par l'amour platonique et les caresses saines qu'elle reçoit de son papa et dont elle a évidement besoin.
Quand ce stade est passé, elle peut avoir un amoureux, puis un mari … tu vois, par étape … moi tu m'as imposé des gestes d'adultes alors que j'étais une enfant ...
 
Quand par ce que tu as fait, tu as souillé cette étape, tu m'en as privé … c'est comme si ma construction affective s'était arrêtée au moment des faits et quand j'ai rencontré le père de mes enfants, j'ai repris à ce niveau là, celui du besoin affectif sain donc sans sexe que j'aurais dû avoir de "mon père" pas de mon mari.
Tu es le seul coupable de cette situation parce que toi non plus tu n'étais pas mon père mais j'étais une enfant, toi un adulte et la loi ne permet pas ce genre de chose, la morale non plus, c'est juste pas normal, pas acceptable mais pas sans conséquence non plus.
Tu ne m'as pas violée mais ce que tu as fait est aussi grave de conséquence, tu m'a violée psychologiquement en abusant sexuellement de mon besoin de tendresse démultiplié sans doute par mon placement et l'absence de mon père.
Rencontrer mon mari a été "l'occasion" de sortir d'une histoire très violente avec un homme qui m'a fait vivre l'enfer physique et psychologique pendant 3 ans.
J'étais doublement fragilisée mais je n'avais pas encore le regard que je peux avoir aujourd'hui, 30 ans après pour lui en parler, lui faire comprendre et m'aider.
C'est avec lui que j'ai eu mes enfants et l'attente de Thibault m'a fait ressentir le besoin de rechercher Nini, celle qui a été pour moi le pilier fondateur et consolidateur de ce que j'ai malgré tout réussi à devenir. C'est grâce à elle si j'ai pu devenir quelqu'un de bien je le sais et je l'aimerai toujours pour ça mais
Son abandon a failli me couter la vie, tous les rapports médicaux des médecins qui m'ont suivi pendant ma profonde dépression le dise : fort traumatisme abandonnique et mon corps le savait depuis longtemps, mon corps le portait, il a tenu et il a fini par lâcher, hémorragie cérébrale ça veut bien dire ce que ça veut dire, c'est dans la tête que ça a lâché ?
Qui peut prendre la mesure de ce que ça fait à un enfant l'abandon de sa mère ?
 
Personne sauf celui ou celle qui l'a vécu mais tout le monde peut normalement le comprendre non ?
Est ce que j'ai eu la moindre compassion de sa part, de la tienne ?
Je ne crois pas, alors tu comprendras que la mort de ta sœur ..
Les blessures morales sont bien plus destructrices que les blessures physiques et tu sais pourquoi ? 
Parce qu'elles ne se voient pas donc les gens ne peuvent pas les comprendre et se les approprier pour te "soulager" un peu.
J'ai toujours donné le change, personne ne pouvait imaginer ce qu'il y a en moi de meurtrissure (même pas moi pendant longtemps, je le montrai par des excès, des attitudes inappropriées de révoltée ...), personne pas même ceux qui savent plus ou moins parce que pour avancer il faut faire comme si tout allait bien et dans l'ensemble ce n'était pas du cinéma mais ce sont mes réactions, certains comportements ...qui m'ont alertés.
Les coups durs de la vie (et dieu sait si j'ai eu ma dose) je les ai portés comme des boulets au chevilles qui ne m'ont pas empêché d'avancer mais à quel prix.
Voilà je voulais te le dire Joseph que je n'ai rien oublié et je voudrais que chaque jour du reste de ta vie tu te souviennes que je n'ai rien oublié et que tout ça je l'ai payé très cher.
Si je n'ai pas pu protéger ma propre fille (parce que je pense que nos enfants portent le poids de notre histoire surtout de mère à fille) je te dis tout ça aujourd'hui parce que je ne veux pas transmettre à ma petite fille à naitre, ce fardeau.
C'est désormais toi qui doit vivre avec le poids de la culpabilité, je dois m'en débarrasser pour faire ce que j'ai toujours fait, avancer mais moins entravée, je dis moins parce que tout ça sera là à jamais.
Voilà, Joseph, tu ne t'attendais pas à cela j'imagine, moi non plus je te l'avoue mais j'ai toujours fait ce qu'il fallait pour garder la tête haute et devenir quelqu'un de bien malgré tout et te dire cela fait parti des choses qu'il me faut faire, je pense.
Quant à Nini, je reste meurtrie et le serai sans doute à jamais mais j'apprends, petit à petit à ne plus rien attendre de qui que ce soit et surtout pas la compassion, l'empathie dont j'aurais tellement besoin.
Donc je le l'appellerai pas, je vais juste faire comme elle m'a fait, l'ignorer parce que je ne pourrais pas l'oublié et elle ne m'a pas oublié, elle m'a juste ignorer c'est pire.
Parce que encore une fois, les blessures profondes aussi immenses qu'elles puisses être ne se voient pas et donc ça n'intéresse personne, ça je l'ai bien compris, il faut que je fasse avec pour me délester.
Voilà un poids en moins pour moi, peut-être un en plus pour toi, la seule différence c'est que j'ai subit alors que tu as choisis .
 
Ce sera mon dernier message, je pense qu'il est préférable qu'on n'échange plus, j'ai besoin de passer à autre chose et j'y parviens petit à petit avec le temps, c'est long, douloureux mais je suis solide et ça s'est avéré.
 
Il faut désormais que je pense à moi et que je n'attende plus rien de ceux qui ont démontré n'avoir rien à m'apporter, ça a été trop longtemps le cas, j'ai trop longtemps espéré la compassion, l'empathie, la compréhension …..qui n'est jamais venue, il est grand temps de ne plus l'espérer.
 
Ca fait partie de la guérison j'en suis de plus en plus persuadée même si c'est pas aussi simple que de le dire.
 
Pourquoi maintenant, tout simplement parce que je chemine avec mes traumatismes que j'essaie d'apaiser et que sans doute, le moment est venu pour ça et pour passer à autre chose, me décharger de ce que tu as fais pour te le rendre et que toi tu vives avec comme tu pourras ça n'est plus mon problème désormais.
 
Il y a un adage qui dit que le vin se bonifie avec le temps, moi j'essaie de m'apaiser en me débarrassant de se qui m'entravait pour ma petite fille qui arrive et aussi pour moi, j'ai assez morflé.

 

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